Tous les secrets de la Rose de la Belle et la Bête : significations et symbolique

Tous les secrets de la Rose de la Belle et la Bête : significations et symbolique

Comme Umberto Eco l’écrit :

« la rose est une figure symbolique tellement chargée de significations qu'elle finit par n'en avoir plus aucune ou presque »

Celle présente dans l’histoire de la Belle et la Bête n’échappe pas à cette maxime et l’une des grandes interrogations reste : Que signifie la ROSE dans la Belle et la Bête ? Une énigme que nous souhaitons résoudre.   

Si le conte légendaire de la Belle et la Bête - écrit par Villeneuve puis repris par Marie Leprince de Beaumont, a fait l’objet de nombreuses adaptations au cinéma et au théâtre (on pense notamment à la version de Cocteau en 1946, de Gans plus récemment en 2014 mais avant tout à celles des studios Disney en 1991 et 2017), il est un élément majeur qui se retrouve dans toutes : la ROSE. Dans chaque cas, son rôle est central mais sa signification diffère. Que représente donc la rose de la Belle et la Bête...?

Un premier indice nous oriente, il s’agit de l’analyse des affiches des différents films de la Belle et la Bête. Seules les version Disney présentent une image de rose sous cloche en verre. En revanche, dans tous les cas, la rose est rouge.

 Affiche La Belle et la Bête

Un deuxième indice : la lecture des citations autour de la rose éternelle de la Belle et la Bête où l’on y retrouve les symboles du TEMPS, de l’AMOUR et du CHANGEMENT.

 Citations Rose Belle et la Bête

  1. « avant la chute du dernier pétale »

  2. « qui pourrait un jour aimer une bête ? 

  3. L’Histoire Eternelle

  4. « c’est vrai, c’est étrange comme on change, sans même y penser »

Quelques soient les versions de la Belle et la Bête, la rose est donc bien présente mais dans les versions de Disney, son emploi diffère et devient même plus central. On doit ce changement à la romancière et scénariste anglaise Linda Woolverton (qui a également écrit les scénarios du Roi Lion (1994), d’Alice au Pays des Merveilles (2010), de Maléfique (2014)…). C’est après le développement de 5 scénarios différents que les studios Disney retiennent finalement celui de Linda Woolverton. Mais quelles qu’en soit les variantes, étudions d’abord la signification de la rose dans la version originel du conte. 

A- La rose symbolique du conte de fée la Belle et la Bête

 affiche belle et Bête

Moore, l’univers du conte légendaire est plus sombre et plus mature. Madame Leprince de Beaumont, propose une vision « monstrueuse » de la Bête, faisant ressortir son animalité (« un sifflement si épouvantable que tout le palais en retentit ») qui littéralement effraie la Belle lors de leur première rencontre (« frémir », « en tremblant » et « elle manqua mourir de frayeur »). Derrière cette simplicité apparente, cette affiche présente plusieurs interprétations possibles (les personnages de la Belle et de la Bête apparaissent dans les pétales) – tout comme le symbole de la rose dans le roman.

1. La ROSE,  l’élément qui autorise la rencontre entre Belle et la Bête 

Dans les versions les plus anciennes du conte, le père de Belle est condamné à mort par un épouvantable monstre (la Bête ) car il a cueilli une branche de roses dans le jardin de celui-ci. 

Voici des extraits du livre de Madame Leprince de Beaumont qui raconte la scène : 

« Il (le père) regarda par la fenêtre et ne vit plus de neige, mais des berceaux de fleurs qui enchantaient la vue. Il entra dans la grande salle où il avait soupé la veille et vit une table où il y avait du chocolat. Le bonhomme, après avoir pris son chocolat, sortit pour aller chercher son cheval et, comme il passait sous un berceau de roses, il se souvient que la Belle lui en avait demandé, et cueillit une branche où il y en avait plusieurs » […] 

« Vous êtes bien ingrat, lui dit la Bête d’une voix terrible : je vous ai sauvé la vie en vous recevant dans mon château et, pour ma peine, vous me volez mes roses que j’aime mieux que toute chose au monde : il vous faut mourir pour réparer votre faute ». […]

« Monseigneur, pardonnez-moi, je ne croyais pas vous offenser en cueillant une rose pour une de mes filles, qui m’en avait demandé. » […]

«Je veux bien vous pardonner, à condition qu’une de vos filles vienne volontairement pour mourir à votre place ». […]

« Le marchand se mit à pleurer en les regardant. Il tenait à la main la branche de roses qu’il apportait à la Belle ; il la lui donna et lui dit : la Belle, prenez ces roses ! Elles coûtent bien cher à votre malheureux père ».

Ainsi, la faute est commise par le père et cet incident va provoquer la rencontre entre Belle et la Bête. Le vol de la rose représente ainsi l’élément perturbateur, un motif essentiel à la narration.

En 2014, Gans nous présente son interprétation féérique de l’histoire légendaire et met en image ce vol de la rose comme le montre la bande annonce.

extrait rose Gans Belle et la Bete

Il en conclut par la citation « Une Vie pour une Rose »

2. La ROSE comme symbole de l’AMOUR PATERNEL

La rose est cependant mentionné pour la première fois bien avant la scène du vol dans le roman. En effet, lorsque le marchand s’apprête à partir en voyage :

« La Belle ne lui demandait rien, car elle pensait que tout l’argent des marchandises ne suffirait pas à acheter ce que ses sœurs souhaitaient. « Tu ne me pries pas de t’acheter quelque chose ? lui demanda son père. - Puisque vous avez la bonté de penser à moi, lui dit-elle, je vous prie de m’apporter une rose, car on n’en trouve point ici ».

La relation entretenue entre Belle et son père est très forte. La Rose est synonyme de l’amour filiale. Elle est aimée par son père et elle l’aime en retour. Elle l’admire et le comprend. Il lui a transmis son intelligence. Cette rose est le symbole de l’amour, d’un amour pur et plus encore, du don de l’amour. Elle demande cette fleur, il lui cueille pour lui montrer son affection. Dans la tradition littéraire, la rose rouge est même parfois synonyme de sacrifice – notion qui est au cœur de l’histoire. Belle se sacrifie pour son père, elle part chez la Bête pour « mourir » à la place de son père et va finalement séjourner dans le château de la Bête. 

Si l’on se réfère à la Psychanalyse des contes de fées, la rose permet l’introduction de la notion du « complexe d’oedipe » et est finalement le symbole de la défloration (cf la rose brisée). Pour Bruno Bettelheim, ce conte « exprime avec évidence que l’attachement œdipien de l’enfant est naturel, désirable, et qu’il a les conséquences les plus positives si, durant le processus de maturation, il est transféré et transformé en se détachant du père pour se fixer sur le partenaire sexuel. […] Dès que la Belle a décidé de quitter la maison paternelle pour vivre avec la Bête (autrement dit, après avoir résolu son conflit œdipien), la sexualité, autrefois repoussée, devient belle à ses yeux. ».

B. La rose enchantée de la Belle et la Bête version Disney

Si l’on retrouve le canevas de l’histoire originelle avec un prince transformé en Bête, une jeune fille qui prend la place de son père, une malédiction à briser par l’amour…, le script de Linda Woolverton y ajoute des ingrédients « Disneyens » et vient finalement modifier en profondeur le rôle de la Rose : cette dernière devient une rose enchantée. Chez Disney, la rose a un double rôle : elle est la cause de la malédiction (transformation du prince en une bête) mais également, la seule chance pour de retrouver son apparence humaine (en trouvant l’amour réciproque avant la chute du dernier pétale).  

Rose la Belle et la Bete

1. Le voile levé sur la cause de la malédiction du Prince

Dans le conte, une seule phrase énigmatique évoque la malédiction « mes parents ne croyaient pas aux fées, elles les ont puni » laissant ainsi une question sans réponse : pourquoi le prince fut-il transformé en bête ? Le prologue du dessin animé Disney de 1991 trouve une raison à cette métamorphose – ce qui introduit dès le début la symbolique de la rose enchantée.

L’histoire commence lorsqu’une mendiante demande au Prince de lui offrir un abri en échange d’une rose. « Elle tenta de lui faire entendre qu’il ne fallait jamais se fier aux apparences et que la vraie beauté venait du cœur ». Le Prince refuse de lui venir en aide et la vieille dame se transforme en une enchanteresse qui le punit en le métamorphosant en Bête.

 Vitrail la Belle et la Bête

“La rose qui lui avait été offerte était une rose enchantée qui ne se flétrirait qu’au jour de son vingt-et-unième anniversaire. Avant la chute du dernier pétale de la fleur magique, le prince devrait aimer une femme et s’en faire aimer en retour pour briser le charme. Dans le cas contraire, il se verrait condamné à garder l’apparence d’un monstre pour l’éternité. Plus les années passaient et plus le prince perdait tout espoir d’échapper à cette malédiction ; car en réalité, qui pourrait un jour aimer une bête ?”

Rose sous cloche

Pour la scénariste Woolverton, ce n’est donc plus le père de Belle qui commet une faute mais bien le prince et la rose sous cloche en est le symbole. L’amour est la clé pour rompre le sortilège. Ce prologue met en valeur la morale de l’histoire : ne pas se fier aux apparences.

Le thème d’ouverture du dessin animé est donc le péché. Le prince vit dans le luxe de son château et son cœur s’est fermé à la douleur de la misère. Il se montre insensible à une vieille dame qui lui demande l’asile un soir d’orage en échange d’une rose.

2. Le live action Disney de 2017 approfondit l’explication de la malédiction 

« En punition, elle le transforma en une bête monstrueuse et jeta un sort sur le château et tous ses habitants ».

En revanche, si le Prince est bien fautif de sa transformation en bête, le dessin animé de 1991 n’explique pas pourquoi les employés ont eux-aussi été transformés en objets enchantés et on ne comprend pas vraiment ce qu’ils ont fait pour mériter le même sort.   

Mais pourquoi les habitants du château sont-ils punis également en même temps que le Prince ?

Dans le live action Disney de 2017, Madame Samovar explique à Belle que tous les habitants du château avaient un peu leur part de responsabilité envers le Prince. « Voyez-vous lorsque le maître a perdu sa pauvre mère, son père un homme cruel a tout fait pour que son âme innocente devienne aussi féroce que la sienne. Et nous n’avions rien fait ».

enchanteresse

3. La ROSE comme le symbole de la fuite du temps

La ROSE sous cloche est finalement un rappel constant de l’outrage affligé à l’enchanteresse. L’éclosion de la rose rythme la vie des habitants du château et est synonyme du temps qui passe.  Elle a un aspect maléfique et menaçant quand on voit les pétales tomber un à un tandis que la bête se désespère.

Chaque chute de pétale figure la fuite du temps et le dernier pétale tombé, le prince perdra tout espoir de redevenir humain s’il n’a pas trouvé l’amour. Nous notons une différence entre les versions de 1991 et 2017, notamment quand tombe un pétale de la Rose Enchantée : dans la version la plus récente, tout le château se met à trembler et les employées du château deviennent de moins en moins humain, se transformant petit à petit en objet.

La rose symbolise le temps qu’il reste au Prince pour aimer quelqu’un et être aimé en retour. Si la rose se fane et meurt, la Bête gardera son aspect animal pour toujours.

 musset

4. La ROSE est finalement le fragment d’humanité qu’il reste à la Bête

La rose éternelle est le bien le plus précieux de la bête, gardée jalousement sous cloche, dans l’aile ouest du château. Dans le prologue, l’élan bestial de la Bête a mutilé son humanité (déchirement du portrait) et saccager la pièce. La rose enchantée reste pour lui rappeler la malédiction et représente un petit fragment d’humanité qui demeure en lui. La pièce qui contient la Rose Eternelle, peut elle être assimilée au reflet de la conscience profonde du Prince devenu Bête.

Malgré l’interdiction, Belle pénètre dans l’aile ouest : elle est immédiatement attirée par la rose comme si elle réussissait à passer outre les enveloppes corporelles de la Bête pour ne s’attacher qu’à sa véritable nature humaine. Contrairement au conte, la répulsion de la Belle envers la Bête apparaît plus subtile dans les versions Disney puisque Belle s’offusque surtout du comportement, du « mauvais caractère» de la Bête.

Dans son élan, Belle enlève la cloche en verre protégeant la rose enchantée (« ne pas se fier aux apparences) Mais la Bête n’est pas encore prête et ne supporte pas que l’on enlève brutalement son enveloppe pour révéler son humanité.

 belle et rose

belle et rose enchantée

Finalement, tout au long du film, la bête garde des traits humains (notamment ses yeux)… et son humanité est à fleur de peau. Sous cette bête sommeille l’homme que seul l’amour pourra réveiller. La rose éternelle est donc ainsi l’espérance de l’amour rédempteur.

 

5. La Belle et la Bête Ending  

La rose totalement fanée et le dernier pétale tombé, la Bête s’éteint. Et tout le château sombre ainsi dans les ténèbres condamnant à tout jamais les habitant du château à rester dans la malédiction. Dans le film de 2017, Mme Samovar, Zip, Big Ben, Lumière  s’éteignent un à un et la Belle reste seule, pleurant son amour.

La fin de 2017 offre une version modifiée de l’histoire originelle de 1991 : si dans les 2 cas Belle murmure son amour à la Bête inanimée, dans la dernière interprétation, l’enchanteresse revient et fait littéralement explosé le verre de la cloche qui protège la fleur enchantée – comme si elle enlevait le « manteau animal » pour dévoiler l’humanité du Prince. Les pétales de rose concourent ainsi à la transformation de la Bête en Prince charmant et l’amour prend le dessus. Dernier clin d’œil à cette Rose Enchantée qui est finalement le fil rouge de cette Histoire Eternelle : la robe de mariée de la Belle couverte de roses.

Robe Roses


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